Un an déjà
C’est très exactement au mois d’août 2017 que nous avions appris la volonté municipale de construire 5000 places de gradins dans l’amphithéâtre, avec une possibilité de recevoir des spectacles dès 2018 (Blues Passions et Fêtes romaines), alors que Monsieur le Maire de Saintes n’entendait rien de la fragilité du site et des urgences de diagnostic et de restauration. Depuis, nous avons eu de cesse d’alerter les instances régionales et nationales afin que ce projet soit plus raisonnablement étudié et qu’il tienne compte des spécificités du monument et des risques de dégradations encourus, tant d’un point de vue paysager, que pour la survie de la construction elle-même.
Nous avons aussi acté les principes alliant la connaissance historique et archéologique de l’amphithéâtre et les obligations de vigilance et de protection, avec les membres de la Société d’archéologie et d’histoire de la Charente Maritime, sous la rédaction d’une Charte Consensuelle transmise en mars 2018 à Monsieur le Maire et signée par d’éminents historiens et dignitaires nationaux.
Il n’y aura pas de gradins dans l’amphithéâtre, mais une restauration d’urgence ainsi qu’une rénovation et une modernisation de ses structures d’accueil. Des spectacles pourront bien entendu être organisés, avec des installations d’assises temporaires, lorsqu’ils répondront à un cahier des charges assurant la mise en protection des visiteurs, du site et de ses environnements. C’est ainsi que nous pensons obtenir gain de cause et que nous resterons aussi vigilants que déterminés.
L'arbre urbain
Aujourd’hui, comme par hasard, profitant encore du départ en vacances de nombreux habitants, la Mairie de Saintes lance une consultation, sans le moindre scrupule, pour l’abattage de nombreux arbres de notre cité, en dépit de toutes les chartes de l’Arbre Urbain qui naissent en France pour protéger les patrimoines naturels au cœur des villes.
Saintes (17) est le monde à l’envers et celui qui décidément ne tourne plus rond. A contrario de tous les engagements nationaux et internationaux vers la revalorisation de l’authenticité des sites et la lutte contre le réchauffement climatique, Saintes vit au bon loisir « des caprices des élus », qui devient le maître mot de notre devenir. Saintes n’a jamais entendu parler du tourisme durable ni des enjeux et des dangers du déboisement urbain.
Ainsi, après l’abattage de plusieurs arbres le long du cours Reverseaux ( cf Sud-Ouest - article du 11 février 2017) et de peupliers en parfaite santé dans le vallon des arènes, mais aussi de superbes acacias pour la seule raison que ces derniers « dérangeaient la visibilité du prieuré Saint-Eutrope et de l’amphithéâtre » , selon les mots de Marcel Ginoux, adjoint au maire ( cf article de Sud-ouest du 22 aout 2016), ce sont désormais 11 sites de la ville qui sont concernés par une consultation datant de juillet 2018. Bien sûr, ces projets d’abattage restent totalement obscurs et une fois encore, la mairie espère profiter du calendrier et de l’absence de communication, dont elle est devenue spécialiste, pour mettre les citoyens devant le fait accompli.
La plupart de ces abattages antérieurs et ceux actuellement envisagés vont évidement à l’encontre des dispositifs des zones de protection des patrimoines naturels et culturels et il n’est pas question non plus d’envisager des plans de reboisement. On n’est plus à ce détail près à Saintes. A quelle sauce va être massacrée la Place Saint Pierre ? Nous pouvons craindre encore le pire.
Prévus pour un délai maximum de décembre 2018, Monsieur le Maire demande donc, entre autres :
► L’abattage des huit platanes de la Place Saint Pierre
Les arbres d’environ 25 mètres sont parfaitement sains mais poseraient problème à certains usagers, tel le fait de faire tomber des feuilles à l’automne, d’empêcher quelques places supplémentaires de parking, d’héberger des étourneaux trop bruyants ou même de gêner la visibilité de la cathédrale au « futur hôtel » du site Saint- Louis.
Si un autre argument surgissait comme celui qui attesterait que les racines sont dangereuses pour la cathédrale , il est bien évident que nous serons dans l’attente d’un document le signifiant avec précisions de la part de l’Architecte des Bâtiments de France et des services nationaux compétents et non par le seul fait d’annonce du service culturel de la ville dont on ne compte plus les erreurs de langage et d’interprétation.
► Aux abords du Boulevard de Recouvrance, à l’angle des rues du Pape Urbain II et du Chanoine Bardet, ce sont 25 sujets qui sont aussi promis à un abattage. Pourquoi ? C’est encore notre question sachant que l’orme est une espèce protégée car en voie de disparition.
► Au Passage Magistel (entre la rue Saint -Eutrope et l’Avenue des arènes), on y retourne pour abattre deux érables d’environ 15 mètres. Là encore pourquoi ? Les arbres sont-ils sains ou malades ? Pourquoi parle-t-on d’abattage et non pas taillage ?
► Au Chemin du domaine de Montlouis, un magnifique chêne plusieurs fois centenaire fait aussi partie de la maudite liste. Cet arbre-là est effectivement malade mais représente-t-il un danger ? L’arbre est situé sur une voie d’accès à une seule propriété privée et il est déconcertant de voir que lui aussi va avoir droit à une mise à mort alors qu’il pourrait être contourné très aisément. Au contraire de l’abattage et comme la commune de Clavette (près de la Rochelle) a su remarquablement le faire, cet arbre pourrait être entouré et devenir le symbole d’une mise en héritage, même s’il ne fait pas partie du patrimoine urbain.
L’arbre en ville est souvent le premier lien avec la nature, il structure le paysage et participe à la biodiversité par la variété de ses essences et la faune qui sait les utiliser. Mais l’arbre répond aussi et surtout à une exigence écosystémique contribuant à la fixation du CO2, principal gaz à effet de serre. Il aide au rafraichissement de l’air ambiant et contribue très largement à la baisse de la chaleur urbaine.
Au-delà de son rôle écologique majeur, l’arbre, en tant qu’objet patrimonial, fait partie des paysages et de leur harmonie entre pierre et bitume. Certains alignements, comme celui de la Place Saint Pierre, participent à la création de la ligne verte en ville, comme des corridors naturels - sorte de parvis naturel pour l’édifice monumental environnant (comme au vallon des arènes).
Quant aux arbres âgés, souvent à tort éliminés, ils participent eux aussi très largement à la biodiversité. Leurs cavités ou parties mortes servent de lieu de nidification. Ils sont utilisés comme appui de captage des insectes à risques, protégeant ainsi les autres spécimens plantés en proximité.
C’est dans la revue publiée par l’association des Villes et des Pays d’art et d’histoire et diffusée par la ville elle-même qu’une citation très symbolique a été choisie : « Un sot ne voit pas le même arbre qu’un sage » de William Blake (page 3 – L’arbre élément de patrimoine urbain- Sites et Cités remarquables- édition mai 2017).
Ce livret-guide qui cite Saintes parmi les exemples (pour son choix de se munir d’un logiciel de référencement des arbres dans la cité) est destiné aux usagers, associations et collectivités territoriales pour leur donner des pistes de réflexion et des outils pour gérer l’arbre comme « élément de patrimoine ».
« L’arbre est un des repères fondamentaux dans la ville, il vit avec nous et se donne tout entier, naturellement, il embellit et enrichit la vie de chacun et la cité de tous », pouvons-nous lire encore dans cette publication.
Notre association Mediactions et ses adhérents prennent une nouvelle fois la parole pour représenter les citoyennes et citoyens saintais, mais aussi les visiteurs et amoureux de notre cité. Ne tuez pas nos arbres, Monsieur le Maire ! Expliquez-vous, dites-nous pourquoi et comment un tel massacre serait justifié ? Pourquoi abattre tous ces arbres, quel est votre but ? Quels sont vos projets ?
Nous avons écrit à Monsieur le Maire parallèlement à ce communiqué, mais après avoir attendu plus d’un an une réunion explicative autour du projet de l’amphithéâtre, nous savons désormais que notre rôle d’alerte et de protecteurs de nos patrimoines exige plus qu’un dialogue qui n’a jamais existé.
Au nom des adhérents de MédiaCtions et pour le Conseil d’administration
Cécile Trébuchet
Présidente de Médiactions
08/09/2018