Groupe citoyen pour la préservation des patrimoines culturels et naturels
Tout ça pour ça...
Alors c’est terminé. On peut lire, ce lundi 19 août sur de nombreuses pages, le démontage du vortex autour de l’arc, dit de Germanicus, date symbolisant par la même occasion, la fin de l’anniversaire du monument : … « 2000 d’histoire pour des mois de discorde ». Quels résultats ?
Le Vortex
Nous savons tous combien cette «audacieuse » installation a fait couler de l’encre et abîmer, de fil en fil disgracieux, l’image du monument emblématique de notre cité. Dès le départ, il aurait peut-être suffit que les décisionnaires et créateurs s’interrogent sur la pertinence de faire du « durable » avec ce qui, par définition, s’appelle de l’installation « éphémère ». On aurait préféré une belle terrasse de café et des animations sur la place Bassompierre, deux années durant (et plus si affinités), années que l’on voulait culturelles et festives. Elles auraient pu être identitaires, parler de Saintes et même, pourquoi pas, parler de l’arc ? A quand d’ailleurs à ce sujet un mobilier signalétique touristique, moderne et durable, expliquant aux visiteurs l’intérêt historique de nos monuments ? Ce serait déjà un bon départ…
A l’heure des premiers bilans, il me semble cependant que l’affaire du vortex est comme l’arbre qui cache la forêt…et des questions bien plus importantes restent accrochées à ce démontage, qui, certainement, manquera à peu de monde.
Dans un élan de surexcitation enfantine en 2018, la Ville de Saintes avait pour projet de fêter l’anniversaire de notre porte antique, tout en faisant de ce rassemblement historique le début d’une grande et nouvelle histoire saintaise. C’était le départ d’une épopée moderne qui nous menait vers la réalisation d’un parcours pédestre touristique alliant les deux rives, la construction d’un grand musée autour de l’amphithéâtre, un amphithéâtre quant à lui, à même de recevoir le festival « Blues Passions » dès 2019, avec 5000 places de gradins ! Il n’était pas encore question de réelles restaurations et nous étions considérés comme des méchants contestataires politiques, tandis que notre association alertait les habitants et les élus de la grande fragilité du site. Le temps et les études archéologiques nous ont bien sûr donné raison et nous ferons en sorte que restauration et rénovation « gratinée et gradinée » ne soient pas confondues en un seul projet.
Vous avez dit anniversaire ?
Après avoir « ordonné » des commandes pharaoniques aux techniciens de l'evénementiel en 2018, les budgets de l’anniversaire de l’arc ont finalement été revus à la baisse et en bonne politique impériale des temps modernes, ce sont quelques employés de la ville qui ont servi de sacrifiés dans l’arène municipale. Ceux qui sont restés «vivants» ont dû réussir des fêtes romaines avec le petit peu qu’il leur restait. Qu’ils fassent ou ne fassent pas, ils sont de toutes façons aux premières loges de la critique. La politique de « ce n’est pas moi, c’est eux » permet ainsi de sauver la face, quand l’empire devient boiteux…
Juillet 2019, les fêtes romaines ont donc malgré tout sauvé les apparences de l’instant ; touristes et habitants ont au moins profité des talents de la gladiature arlésienne et locale et du professionnalisme du personnel restant… Pas facile néanmoins de parler de l’arc, quand on ordonne un spectacle dans l’amphithéâtre !
De fait, était-il question de son anniversaire ? Quid de la véritable définition d’un arc de triomphe et de son rôle de porte purificatrice à Rome ? Quid de l’histoire des dédicaces, du spectacle initialement prévu autour de l’histoire de Germanicus ? Des éléments comparatifs avec les autres arcs des Gaules ? Des liens entre Mediolanum et Lugdunum… de l’évergète C. J. Rufus et du rôle de l’aristocratie indigène dans la romanisation ?... Mais qui a donc fêté quoi dans les rues et les monuments, tandis que les conférences ne sont pas vraiment un rendez-vous festif et accessible à tous ?
Et nous ne savons pas aujourd’hui si le prélude aux fêtes romaines prédit leur installation durable et la volonté de créer une image touristique romaine ou si celles-ci n’étaient qu’un anniversaire, pendant lequel la Ville et ses décideurs ont simplement omis « d’inviter» le principal concerné.
Bien qu’il soit un plaisir de rencontrer des spécialistes de la gladiature, on ne peut donc que déplorer un anniversaire identitaire raté, une image locale confuse et une municipalité qui navigue à vue et qui ne sait finalement pas inventer une logique à tous ses rêves de grandeur. A force de jouer avec les patrimoines, tout le monde y perd son latin et parfois son destin.
La rentrée...
Mais voici la rentrée… Le site Saint Louis prend un très mauvais chemin pour s’installer comme lieu « étape » touristique, à moins que les futurs résidents s’échappent de leur maison de retraite pour dormir eux même dans le futur hôtel de proximité. Le grand musée lapidaire qui aurait pu s’y installer en toute légitimité ne verra certainement jamais le jour et il n’est pas la peine de faire de grandes études d’urbaniste pour deviner qu’il ne sera pas plus construit à proximité de l’amphithéâtre. L’arc n’est pas prêt de fêter à nouveau 2000 ans d’histoire, les thermes sont toujours aussi sinistrés et on n’est pas plus avancé sur la construction identitaire de notre image touristique.
Le projet qui se voulait grandiose devient de plus en plus restreint, dès lors que se pose l’intelligente mais tellement tardive question de sa faisabilité… Reste la superbe étude autour des aqueducs pour que la CDA reprenne « Saintes romaine » en charge.
Alors, il semble que l’affaire du vortex, (après avoir dénoncé ce mauvais gaspillage financier) est un « non événement ». A Saintes, on construit, on détruit on recommence et on tourne en rond depuis environ 20 ans. Et l’on parle d’un musée depuis autant d’années. En août 2003, je disais déjà à Madame Schmitt (voir extrait article Sud-Ouest), alors maire de Saintes, que les « fêtes romaines » avaient fait leur temps, que ce n’était qu’un détail autour de l’urgence de la création d’un véritable projet culturel et touristique, autre que notre festival musical de juillet. Et ce n’est pas pour rien que l’on avait installé des animations au mois d’aout, espérant que la fête grandirait en festival et en colloque scientifique national autour de l’antique. On recommence à zéro. Mais en réalité, on ne peut pas vendre les bâtis et les quartiers de la ville et construire son avenir en même temps ! On passe alors son temps à discuter « animations », évitant de prendre parole et position autour des vraies urgences touristiques et urbanistiques, tels le stationnement autour des monuments de la rive gauche, l’accueil catastrophique des touristes à l’amphithéâtre tant le lieu est désuet, l’utilité d’un ascenseur à Saint Louis qui deviendra privé pour un hôtel inutile, la vente incessante des patrimoines permettant de « travestir » les exercices budgétaires de tout un mandat etc..
Il serait vraiment temps qu’habitants et élus puissent avoir un véritable débat autour d’une politique touristique, culturelle et commerciale d’avenir. La ville ne cesse de voir grandir le nombre de ses constructions en tôle dans ses zones périphériques tout en faisant éloge de sa grandeur du 1er siècle de notre ère, mais il n’est toujours aucun projet, fiable, réaliste et durable pour en témoigner et en vivre. Reste l’espoir de la confrontation des programmes et idées vers de nouveaux engagements autour de nos patrimoines saintais…Pour le CA - Cécile Trébuchet
Pour le CA de Médiactions - Cécile Trébuchet - 20/08/2019
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