De la "Rumeur" au "Ridicule" !...
Tribune de Cécile Trébuchet, présidente de MédiaCtions
Nous savons tous qu’il n’existe pas de compte-rendu des dégradations constatées dans l’amphithéâtre après le spectacle de 1994 - Bérénice de Racine. Cette absence de compte-rendu avait permis à la municipalilté de l’époque de demander un recours utilisant l’assurance des derniers intervenants- restaurateurs du site (travaux réalisés en 1990). Ainsi, les nuisances associées aux effets sonores sont désormais plus ou moins identifiées comme « une rumeur » permettant autant à la DRAC qu’à Monsieur Gensbeitel (à l'époque Animateur du Patrimoine, aujourd'hui Maître de conférence en Histoire de l'Art à Bordeaux Montaigne) de cautionner le projet des fameux gradins.
On apprend donc aussi aujourd’hui que « la rumeur » du danger des basses fréquences avait pour objectif de mettre terme à des programmations « ridicules » comme le spectacle de Bérénice- d’un dénommé « Racine ». Ridicule ?
Tandis donc que la mairie, élu(e)s et technicien(e)s, font l’apologie des spectacles d’antan, Monsieur Gensbeitel lui, les nomme « ridicules »… De quoi y perdre son latin ! Mais alors… ils étaient bien ou pas ces fameux spectacles d’autrefois ? Ont-ils abimé ou superbement entretenu l’usage de notre précieux amphithéâtre ? Dommage que les classiques ne soient plus au goût du jour, car je proposerais volontiers un remake de Molière à la place de Racine, entre précieux et ridicule, Saintes devient en effet un superbe casting.
Croyez vous vraiment que nul d’entre nous ne se soit posé de questions pour les spectacles ultérieurs à 1995 ? De mémoire, étant présente, je me souviens de « l’incroyable » passage de la grue nécessaire au spectacle « Site en scène » du 13 août 2007. Soyons simplement logiques, regardez la photo de la grue dans l’arena et la hauteur de la « Porte de la Victoire » par laquelle il a fallu la faire passer. Mais là non plus…côté dégâts, rassurez-vous, il n’y a pas eu de compte-rendu !
La différence majeure entre le silence concernant les spectacles d’avant et l’alerte que nous portons aujourd’hui, c’est que jusqu’à maintenant, les spectacles, fortement réduits en nombre par souci de protection, relevaient malgré tout d’une autorisation exceptionnelle. D’autres programmations, comme le rassemblement de l’Armée de l’air (voir photo de 2012) étaient et restent non seulement sans danger pour le monument mais aussi tout à fait légitimes – (preuve d’ailleurs en regardant la photo que l’on peut installer des places assises supplémentaires sans gradins).
La différence entre hier et aujourd’hui, c’est que ni Monsieur Baron, ni Madame Schmitt, ni Monsieur Rouger, tous avertis et connaisseurs en matière de patrimoines, n’ont fait projet de transformer notre monument antique en triste salle de spectacles. Que chacun ait donné en leur temps des autorisations pour des programmes culturels exceptionnels dans l’amphithéâtre est une chose, que le maire d’aujourd’hui fasse de l’amphithéâtre un pauvre accessoire culturel en est une autre.
La différence c’est la transformation irréversible du site. La lecture historique que nous en aurons. C’est la transformation définitive du paysage et de l’écrin naturel du monument. La différence, c’est que partout ailleurs, personne n’a osé comparer un théâtre à un amphithéatre, une structure mixte (structure posée sur le vallon) à une structure creuse ( construction depuis le sol). La différence, c’est qu’aujourd’hui on mélange tout et on raconte n’importe quoi pour légitimer l’installation de 5000 places de gradins. La différence c’est le coût absurde de tels travaux, des travaux que les habitants ont refusé par voie de pétition.
Faute de compte-rendu, le projet de la pose de gradins va être acté lors du prochain comité de pilotage. Nous en sommes certains. Mais paradoxalement, c’est désormais l’état désastreux du site qui va finalement réussir à le protéger. Car il est évident que les restaurations obligatoires du site ne permettront pas d’installer 5 000 places de gradins dès 2019, comme le souhaite Monsieur le Maire.
Le patrimoine et son devenir deviendra alors un enjeu de campagne électorale, quoi que l’on puisse dire. Et ce sera à chaque citoyen électeur de choisir…Saintes et la sauvegarde de ses patrimoines pour demain ?
Quant à savoir quels spectacles pourront être autorisés dans l’amphithéâtre, nous espérons que d’autres critères que celui de « ridicule » seront retenus. Des critères, somme toute un peu plus scientifiques et sérieux. Nous espérons en effet qu’un véritable cahier des charges sera établi pour l’étude de chaque programmation culturelle dans le site de l’amphithéâtre. C’est très exactement ce que nous avons proposé dans notre Charte Consensuelle pour l’usage de l’amphithéâtre, sa restauration et sa valorisation, charte co-signée avec la Société d’archéologie et d’histoire de la Charente Maritime et de nombreux spécialistes et historiens.
Quand Monsieur le Maire parle des gradins de Syracuse, une fois encore, nous lui demandons de s’instruire sur le « dit amphithéâtre » afin de ne pas confondre théâtre « grec » et amphithéâtre "romain". Reportage donc que nous lui proposerons prochainement pour qu’il puisse différencier les deux sites. Toutefois il est vrai que sur internet, les deux noms sont souvent confondus.
Mais que le Maire continue de « s’amuser », comme il dit… Les citoyens, eux, n’ont pas fini de donner leur avis.
Bien cordialement
Cécile Trébuchet
Présidente de Médiactions
12/05/2018